LA COMMUNE DE PARIS – Louise Michel / Michel Bakounine

La Commune de Paris a 150 ans. Il est rare qu’un événement qui dura aussi peu de temps – deux mois entre le 18 mars 1871 et la fin de la « semaine sanglante le 28 mai de la même année, ait eu un aussi grand retentissement au niveau mondial. D’abord au niveau de l’Histoire de la France en ce que la Commune mit fin au second Empire et ruina toute possibilité de retour à une quelconque monarchie pour faire place à la Troisième République et à ses suivantes jusqu’à nos jours.

Ensuite parce que La Commune de Paris (nous devrions dire LES Communes puisque la révolte ne fut pas seulement parisienne, mais se manifesta dans un certaine nombre de centres urbains ouvriers, en particulier à Lyon) illustre la montée à l’échelle du monde occidental de cette nouvelle classe, dite « ouvrière », si bien que toutes les tendances du courant socialiste qui irrigua le monde moderne en tirèrent analyses et leçons stratégiques pour l’avènement d’un monde égalitaire.

Louise Michel et Michel Bakounine sont certainement les deux figures du mouvement révolutionnaire et anarchiste les plus connues dans l’imaginaire collectif, bien au-delà des cercles libertaires et contestataires, et dont le nom est indissociablement liés à la Commune de Paris. Louise Michel y participa à Paris, Bakounine à Lyon. Ce dernier a déjà 56 ans lors des événements, Louise seulement 41. Ils ne se sont jamais rencontré, Bakounine était proscrit de partout et meurt en 1876, Louise fut internée en Nouvelle Calédonie de 1871 à 1880 et vivra jusqu’en 1905.

L’une et l’autre furent des écrivains flamboyants et prolixes, des témoins rigoureux de leur temps et des ennemis acharnés de toute oppression. Les écrits qu’ils ont laissé sur la Commune de Paris sont des textes incontournables pour saisir véritablement ce qui s’est joué durant ces deux mois.

Les textes de Louise Michel publiés ici sont des chapitres les plus significatif de son ouvrage La Commune (Stock, 1898). On y trouve une description des premiers jours de la Commune, des mesures prises et de la vie à Paris. Un texte intitulé « Les femmes de 70 » montre son l’engagement féministe. Enfin « l’Ere nouvelle » nous projette dans une transformation sociale qui est en train de se construire. Hélas pour un temps très court !

De Michel Bakounine on lira dans ce livre le préambule à la seconde livraison de L’Empire knouto-germanique et la révolution sociale intitulé « La commune de Paris et la notion de l’Etat », ainsi que les « Trois conférences faites aux ouvriers de Saint-Imier » (mai 1871) dans lesquels il explique que « Depuis la grande Révolution de 1789-1793, aucun des événements qui lui ont succédé, en Europe, n’a eu l’importance et la grandeur de ceux qui se déroulent à nos yeux, et dont Paris est aujourd’hui le théâtre ».

En plus des textes précités figurent en annexe le fameux La Commune est proclamée, un article intitulé « La fête », de Jules Vallès et L’affiche rouge (celle qui proclame la Fédération révolutionnaire des Communes), rédigée par Bakounine à Lyon.

Le livre est préfacé par un texte du plasticien « outre passeur » anarchiste Jean-Jacques Lebel à qui le centre Pompidou a consacré une rétrospective en 2018. C’est Eduardo Colombo, psychanalyste anarchiste récemment décédé, qui introduit les textes de Bakounine en les replaçant dans leur contexte historique, celui du développement du mouvement ouvrier.

Enfin des lettres et des photos inédites de Louise Michel nous plonge dans la dimension humaine de ces révolutionnaires communards.

Un livre accessible à tous pour comprendre la Commune. Un livre qui « dit » la Commune de l’Intérieur.

ISBN : 978-2-909899-97-01

12 euros

Plaidoyer pour le Rojava – B. Şoreş

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B. Şoreş
Plaidoyer pour le Rojava
Réflexions d’un internationaliste 
sur les aléas d’une révolution
A peine la victoire sur Daech était-elle proclamée que le gouvernement des Etats-Unis s’en attribuait le mérite et invitait le président turc, Erdogan, à envahir les territoires que les Kurdes avaient conquis sur le «califat» dans le nord de la Syrie. Ces derniers, principalement ceux du Parti de l’Union démocratique (PYD) proche du PKK, qui avaient joué un rôle prépondérant dans la victoire contre les djihadistes, après avoir été caressés dans le sens du poil par la « communauté internationale », étaient de nouveau les ennemis que les Etats-unis et l’Union européenne considéraient comme terroristes.
Plusieurs milliers d’internationalistes de toutes nationalités partirent combattre les islamistes de Daech aux côtés des forces révolutionnaires kurdes. L’auteur de ce livre fut l’un d’entre eux. Son plaidoyer pour le Rojava n’est cependant pas synonyme d’aveuglement car l’objectivité est la condition d’un positionnement politique.  Aujourd’hui, les « gentils » d’hier sont redevenus les « méchants » d’avant-hier en fonction des seuls intérêts géo-stratégiques des grandes puissances impérialistes dans la partie d’échec qu’elles se disputent au Moyen-Orient pour le contrôle des ressources fossiles.
On savait bien que les Kurdes devraient payer l’addition pour avoir géré l’autonomie du Rojava en y expérimentant un projet politique, démocratique social, féministe et pluriculturel, qui, au moment où, comme en Irak ou au Liban, des prolétaires se soulèvent pour la justice contre les classes politiques, pourrait bien séduire ceux que les clivages religieux, ethniques ou nationaux divisent artificiellement au Moyen-Orient.
Dans les combats qui s’annoncent, quel que soit leurs adversaires, les combattants kurdes ne pourront compter que sur eux-mêmes.
20 euros, 300 pages, 16X24

35 ans de correction sans mauvais traitements

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Il sera question dans ce récit d’un drôle de métier, celui des correcteurs – devenus largement des correctrices au cours des trois dernières décennies.

Leur tâche consiste à la base, rappelons-le, à intervenir dans les imprimeries, les maisons d’édition et les entreprises de presse sur chaque texte destiné à être diffusé par écrit, afin de le décoquiller et d’unifier sa présentation tout en veillant à sa conformité avec les règles d’orthographe, de syntaxe et de typographie. Néanmoins, ne vous fiez pas à l’austérité d’une telle description : vous le constaterez ici, s’adonner à la relecture n’engendre pas forcément la mélancolie.

Je ne vous raconte pas ma vie. J’utilise, au prisme de mes souvenirs, des épisodes de mon parcours professionnel pour apporter un éclairage sur l’évolution de la correction depuis trente-cinq ans, et sur ses conséquences, dans des sociétés de presse et d’édition où j’ai été salariée comme dans le Syndicat des correcteurs – composante du Livre CGT mais de sensibilité anarcho-syndicaliste – où j’ai été adhérente.

De plus, les changements de statut qui sont intervenus dans ces sociétés constamment en cours de modernisation ou de restructuration sont toujours allés de pair avec une volonté patronale d’abaisser les rémunérations et avec une dégradation des conditions de travail. C’est pourquoi j’ai également voulu témoigner sur l’ambiance que créaient dans leurs murs pareilles réorganisations, ainsi que sur certaines pratiques de harcèlement largement d’actualité – des pratiques contre lesquelles il faut, selon moi, ne jamais cesser de s’insurger.

Vanina

2011, 180p, 12 €

 

 

Fortunes de mer

Lignes maritimes à grande vitesse :

les illusions bleues d’un capitalisme vert 

 

“ Plus de quatre-vingt dix pour cent du trafic mondial de marchandises s’effectue sur les mers…”

A l’heure où ils caressent l’espoir d’une croissance adossée aux “marchés verts”, les capitalistes entendent faire de l’espace maritime leur nouvel alibi écologique.

En Europe, l’engorgement des voies rapides ralentit les flux de marchandises et engloutit une part de la plus value. A eux seuls les prochains couloirs à grande vitesse ne suffiront pas à combler ce manque à gagner. A fortiori quand les populations des régions concernées comme les salariés impliqués dans ces projets en ont déjà saisit l’imposture. De multiples actions de résistance se font jour au fil de ces tracés, que ces derniers soient hypothétiques ou avérés.

C’est donc vers la mer, redevenue un territoire à conquérir que se tournent aujourd’hui les instances de l’Union Européenne. La commission de Bruxelles présente les “Autoroutes de la mer” et autres “Bateaux à Grande Vitesse” comme les prochains outils d’un “transport écologique au service du développement durable”.

Mais par delà les annonces, que dissimulent en réalité ces projets auxquels souscrivent avec enthousiasme nombre d’écologistes officiels ? C’est ce que les auteurs de ce texte ont tenté de comprendre, en pointant du doigt quelques unes des fausses alternatives et des vraies illusions particulières à la période qui s’ouvre devant nous.

 

ouvrage collectif, 2010

140 p., 12 €.

 

 

 

La tentation insurrectionniste

Si les tendances insurrectionnistes ne sont pas nouvelles dans l’histoire du mouvement révolutionnaire, notamment anarchiste, elles semblaient d’autant plus avoir disparu qu’elles n’avaient pas vraiment été réactivées par le dernier assaut révolutionnaire de la fin des années 60. Il faudra en fait attendre le milieu des années 70, et tout particulièrement le mouvement des luttes de 1977 en Italie, pour les voir s’épanouir puis être défaites en même temps que tout le mouvement subversif de l’époque.

Aujourd’hui, dans une période qui paraît sans perspectives révolutionnaires, elles réapparaissent dans un tout autre contexte alors même que l’idée de révolution semble s’être perdue. Elles prennent donc plusieurs formes, de la plus modérée avec l’« insurrection des consciences » de l’Appel des appels, à des formes plus basiques comme dans certaines actions des indignados espagnols ou des Occupy Wall Street américains, ou encore des formes plus radicales quand elles restent inscrites dans une perspective anti-étatique. C’est sur ces dernières que porte cet ouvrage, parce qu’elles reposent des questions essentielles telles que celle du rapport à la violence et à la légalité, entre perspectives révolutionnaires et pratiques alternatives voire sécessionnistes. Mais en même temps elles n’échappent pas toujours à une pose idéologique « insurrectionnaliste », mélange d’activisme, de triomphalisme et d’absence de questionnement sur ses présupposés. Il s’ensuit des ambiguïtés sur la nature de l’État et une méconnaissance de ce qu’est le capital.

 

J.Wajnsztejn, C. Gzavier,

2012, 214 p., 10 €

Mai 68 Un mouvement politique

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Réduit à une pure dimension culturelle (elle-même vidée de son contenu subversif) par ceux qui veulent éradiquer toute idée de révolution et de critique du capitalisme, Mai 68 ne fut pas un accident de l’histoire sans suites. Pour de nombreux ouvriers mai 68 commence dès 1966 avec les révoltes à Caen, en Lorraine, à Fougères, à Redon ou à St-Nazaire ; avec un mouvement paysan en pleine mutation qui redécouvre l’affrontement avec la police ; avec un mouvement lycéen qui émerge plus d’un an avant les fameux événements. Sans en prévoir ni les formes ni le déroulement il fallait être aveugle pour ne pas voir que de grandes choses se préparaient. La France ne s’ennuyait pas, la lutte des classes n’était pas rangée au rayon des antiquités, la classe ouvrière n’avait pas fait ses adieux.Mai 68 ce furent aussi de nouvelles formes d’organisation que l’on retrouvera tout au long des 40 années qui suivront : les Comités d’action, avec la volonté d’autonomie et la défiance vis-à-vis des structures syndicales et politiques. Autant dire qu’après les luttes et les expériences de l’hiver 2007 cela est toujours d’actualité ! Mai 68 ouvre une période de « divorce entre la classe politique, les médias, les intellectuels d’un côté et la société civile de l’autre », comme ils disent. Eh bien tant mieux !

Lutte des classes dans la chine des réformes

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Après les désastres du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle, le Parti Communiste de Chine échappe au destin des autres partis dirigeants du bloc de l’Est en se lançant dans une politique de réformes économiques et d’ouverture commerciale contrôlées. Mais derrière la Chine des gratte-ciel, qui croit qu’elle va dominer le monde, il y a la Chine des usines obsolètes et des ateliers insalubres, dépendante du capitalisme international plus qu’elle ne le voudrait. Parmi tant d’autres changements que connaît la Chine des réformes, la montée de la lutte de classes effraie les dirigeants. L’immense prolétariat que leur politique a engendré et violemment exploité les menace après les avoir enrichi. Cet affrontement aussi fait partie de la « mondialisation ». Il est directement issu de la période de lutte des années 1970 en Occident et au Japon.

 

De Bruno Astarian

Histoires de guerres, de révolutions et d’exils

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Soixante-dix ans : le 28 janvier 1939 le gouvernement français consent enfin à ouvrir la frontière pyrénéenne aux vaincus de la guerre et de la révolution.

Román, lui, décide de rester, de poursuivre la lutte dans ce qu’il reste de la République en compagnie, plutôt que sous les ordres, de Cipriano Mera, le célèbre ’’général anarchiste’’ commandant le IV° corps d’armée et vainqueur de la bataille de Guadalajara.

Prisonnier de droit commun libéré par la Révolution fin juillet 1936, Román n’a plus cessé de combattre pour ’’las Ideas’’, les idées dont il s’est instruit au long de ses années de bagne. Le pire l’attend pourtant derrière les montagnes qu’il doit bien se résoudre à franchir.

La tourmente passée il trouve refuge, enfin, dans ce gros bourg, entre coteaux pierreux du Quercy et rives de la Dordogne. Jusqu’à ce matin d’automne, bien des années plus tard, où on le trouve là, recroquevillé sur sa terre de ’’la Plaine’’, une balle dans le coeur…

Mais il est toutes sortes d’exils comme il est toutes sortes de guerres et toutes sortes de révolutions. C’est peut être bien ce que semblent dire les courtes nouvelles qui accompagnent Román.

Peut-être…

Tête de mêlée

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Jean Bernier

Publié pour la première fois en 1924 et jamais réédité depuis, Tête de mêlée raconte le parcours d’un jeune garçon qui parvient, grâce au sport, à s’arracher aux affres de l’enfance et de l’adolescence, à échapper à sa Folcoche de gouvernante et au milieu bourgeois d’avant 1914, étriqué, bigot, imbu de sa classe sociale et décrit  ici d’une façon particulièrement fine et cruelle.

Il s’agit d’un véritable hymne au sport en général et au rugby en particulier. Le lyrisme, la précision et l’humour avec lesquels ce jeu, qui, au début du XXe siècle essaie de percer en France,  est décrit, font de Jean Bernier, pour le ballon ovale, ce que sera Antoine Blondin pour le cyclisme, quelques décennies plus tard.

Mais chez Bernier la grande guerre n’est jamais très loin. Les espérances de « ces jeunes hommes au corps habile et fort, à l’âme prompte » avant 1918 sombreront dans la guerre quelques semaines plus tard sous les « tonnerres monotones de la chimie industrielle », termine-t-il.

« De quelque angle qu’on considère les temps modernes, la guerre de 1914 y apparaîtra toujours plus comme le tournant décisif. » écrivait Jean Bernier, mobilisé et envoyé au front en septembre 1914 à l’âge de vingt ans, puis blessé en décembre 1915. De cette « expérience » naîtront en 1920 un roman (La Percée1) et de solide convictions pacifistes et internationalistes. Dès la sortie de la guerre ses convictions politiques le conduisent à adhérer à l’ARAC (association républicaine des anciens combattants, fondée dès novembre 1917) et à participer à partir de 1921 à la revue communisante Clarté aux côtés des Barbusse, Vaillant-Couturier, Raymond Lefebvre, Boris Souvarine et même Victor Serge et Magdeleine Paz. Tout autant que militant, Bernier est un écrivain qui fréquente des milieux littéraires et artistique et en particulier les surréalistes — ami d’Aragon2, amant de Colette Peignot3, par leur intermédiaire, il œuvre, à partir de 1925 à un rapprochement entre le groupe Clarté et ces surréalistes dont il apprécie le pamphlet Un cadavre consacré à la mort d’Anatole France. Pour la petite histoire, André Breton appréciera peu le goût de Bernier pour le sport !

Journaliste, outre sa participation à Clarté, il collabore au Crapouillot de Jean Galtier-Boissière, et, à partir de 1924, à L’Humanité où il tient une rubrique « vie sociale » avant de s’y consacrer à la rubrique « Sport », en 1926. Il s’éloigne ensuite progressivement du PCF et collabore avec des oppositionnels comme Boris Souvarine à la Critique sociale à partir de 1931. Il se rapproche alors des anarchistes du Libertaire de l’Union anarchiste communiste. Devenu correcteur, il fonde avec Chazé, Guilloré et Lazarévitch (le mari d’Ida Mett) un cercle lutte de classe dans la CGT, et se fait propagandiste de l’Espagne noir et rouge.Il sent bien qu’une nouvelle guerre se dessine et en 1936 il signe, avec Georges Bataille et Lucie Colliard un tract « travailleurs vous êtes trahis » au nom d’un « Comité contre l’union sacrée ». En 1937, il écrit pour le Crapouillot  l’« Actualité de l’anarchisme »4 récemment republiée.

De nouveau mobilisé en 1939, fait prisonnier en juin 40, libéré fin 42, il arrête tout militantisme après avoir tenté de s’occuper d’une organisation officielle de prisonniers de guerre en zone occupée (il la quitte au bout de deux mois). Il reprend après la guerre ses activités de journaliste en se limitant à l’étude de la politique internationale et à rentre compte de la réalité russe avec Nicolas Lazarévitch. Il meurt en 1975.

1. La Percée, Albin Michel, 1920, rééd. Agone, 2000.

2. Aragon a 30 ans lorsqu’il adhère au PCF en 1927, à une période où tout le monde le quitte !

3. Personnage important des milieux intellectuels radicaux de l’entre-deux-guerre, cet écrivain deviendra la compagne de Georges Bataille.

4. En 2014 avec les « réflexions sur l’anarchisme » de Victor Serge, aux éditions Acratie.